vendredi 29 février 2008

Tess d'Urberville


" A cette période d'humidité glacée succéda une autre période de gelée sèche où des oiseaux étranges, venant de par-delà le pôle Nord, apparurent silencieusement sur le plateau de Flintcomb-Ash : créatures décharnées et semblables à des spectres, avec des yeux tragiques, des yeux qui avaient contemplé des spectacles d'horreur et de cataclysme dans l'inconcevable grandeur de ces régions innacessibles, sous des températures glaciales que nul être ne saurait endurer ; qui avaient assisté au fracas des banquises et à l'éboulement des montagnes de neige à la lueur fulgurante de l'aurore boréale, qui avaient été à demi aveuglés par le tourbillon d'ouragans colossaux et de convulsions terraquées, et dont l'expression conservait encore le souvenir de pareilles visions.
Ces oiseaux sans nom s'approchaient de Tess et de Marianne, mais ils ne révélaient rien de ce qu'ils avaient contemplé et que humanité ne connaîtrait jamais. Avec une muette impassibilité, ils écartaient de leur mémoire des expériences dont ils faisaient peu de cas, pour ne songer qu'aux incidents immédiats qui se passaient sur ce plateau sans beauté : les mouvements des deux jeunes filles qui retournaient les mottes de terre avec leurs fourches et découvraient quelque pâture dont ils étaient friands."

Thomas HARDY, "Tess d'Urberville", p 314, 1891

vendredi 8 février 2008

 

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